19/03/2008

La Môme > un flim pour boximusicophiles morphinomanes

"On a assez interprété les passions: il s'agit maintenant d'en trouver d'autres." < Guy Debord

Olivier Dahan, 2007

La Vie en rose? Un rose bien sale alors, le rose que laisse le vin sur les vêtements tâchés... L'entreprise était ambitieuse et délicate: mettre en images la vie d'Edith Piaf, dite La Môme, chanteuse d'exception et monstre sacré de la culture française. Le choix d'Eric Dahan, intéressant mais discutable, semble s'être appuyé sur le mot "monstre": Piaf y est présentée comme victime d'une vie pas facile, née dans la misère et prisonnière à vie de cette naissance sociale. "A quinze ans, Piaf était une punk" dira Dahan pour justifier son propos. Car le propos est choquant, non pas tant par l'imagerie misérabiliste ici à l'oeuvre, que par l'acharnement outrancier à détruire l'icône, à en saper toute sa valeur artistique pour laisser le portrait d'une petite teigne toxicomane qui doit beaucoup de sa renommée à son entourage. Approche conseillée du film: ne pas le voir comme la biographie annoncée de Piaf, oublier les chansons, oublier ce que l'on sait ou croit savoir d'elle et essayer de découvrir un autre film, non tributaire de l'acharnement de son auteur à détruire le "personnage" de Piaf. Et se dire plutôt que Dahan reconstruit un personnage, s'empare d'un mythe et se l'approprie, quitte à en changer le sens: n'est-ce pas là, après tout, ce que l'on demande à une création de cet ordre? Le film peut alors changer et devenir intéressant: en transformant de la sorte un pur produit commercial potentiel, un film tout public calibré pour les récompenses en un drame assez malsain sur une pauvre femme dévorée par les excès du succès. Les images chic et choc pourront en rebuter certains, en convertir d'autres, mais le pari de séduire et rebuter à la fois est réussi. Evidemment, les personnages sont trop caricaturés pour acquérir une réelle consistance, mais le jeu des acteurs rattrape ici ce qui aurait pu plomber complètement le film. Et n'en déplaise aux râleurs railleurs bien français, oui Marion Cotillard est renversante et mérite son Oscar: elle joue, elle surjoue, crie et hurle et minaude, mais comment faire autrement quand "La Môme" se présente ainsi avec si peu de retenue? Il est autorisé de faire la fine bouche devant un film aussi irrespectueux: du concept même de biographie, de la vraie Edith Piaf, de l'esthétique traditionnelle des films à succès français. On retrouve d'ailleurs nombre de procédés (construction narratique explosée, montage ultrarapide, insertion du fantasme au coeur du récit) qui ont fait le succès de toute une partie du cinéma "intelligent" anglo-saxon. Si l'on voulait être méchant, on pourrait faire de "La Môme" le pendant cinématographique du président Sarkozy: un renouveau français, mais qui sonne aussi creux qu'une image publicitaire. Et ce qui motive la méchanceté dans tout ça, c'est quand même le rapport du film à la musique: il faut bien faire avec, puisque le thème l'impose, mais elle est cantonnée à un arrière-plan décoratif et illustratif qui est la dernière note d'irrévérence du film. Comme le fantôme fatigué d'un temps passé qui n'intéresse plus personne. Le temps jugera.


La Vie en Rose

Edith Piaf (à prendre ou à laisser)


Amalia Rodriguez (à prendre ou à laisser)


Emilie Simon (à prendre ou à laisser)

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